Note d’intention
Pour ce spectacle, qui a connu une première mise en espace en juin 2007 au Centre national de la Danse à Pantin, se sont rassemblés chorégraphe, romancière, metteure en scène, dramaturge. L’idée en est venue à la metteur en scène Marilyn Alasset qui a souhaité inviter Jean-Claude Gallotta à un travail expérimental sur la question du genre. Des genres artistiques différents pour questionner le genre, une notion subversive retravaillée au début des années 90 par la philosophe américaine Judith Butler. Au départ, un livre de Maryse Wolinski, le Maitre d’amour, paru en 1980. A travers une histoire romanesque-coup de foudre, mort brutale, deuil impossible -, l’auteure traite en filigrane de la question du genre, de l’identité profonde de chaque être, de l’appartenance sexuelle.
C’est ce « trouble dans le genre » que le spectacle conçu par Jean-Claude Gallotta et Marilyn Alasset tente d’interroger. La scène est sans doute un des meilleurs endroits pour évoquer la question. Elle semble faite pour contester le discours « normatif ». Venir y jouer les « trouble-genre », introduire des grains de sable dans les mécanismes admis, en quelque sorte enrayer la machine à penser correctement, fait partie de son rôle. Le Maître d’amour s’y essaie en perturbant les catégories, qu’elles soient artistiques ou sexuelles, en remuant tout à la fois le « moi » et la loi.
De son héros, la romancière dit qu’il voulait « vivre une histoire toute neuve, avec Elle, et rien qu’à eux. Une histoire qui ne ressemblerait à aucune autre, qui n’existerait dans aucun livre, dans aucune vie avant eux. Il voulait l’inventer à chaque instant, que chaque seconde soit pour eux une fin et un début, que chaque jour soit une vie... ».
La chorégraphie de Jean-Claude Gallotta enroulée à la mise en scène de Marilyn Alasset flirte avec le récit, tantôt l’esquive tantôt l’étreint, entraînant dans le bal texte et corps, embarquant sur la scène jusqu’à l’auteure elle-même, mise en abyme, acceptant de devenir physiquement le personnage de son propre roman. Autour d’elle, sage et libertine, la danse, les mots, la musique, racontent autrement l’histoire du Maître d’amour. Il y a une légère brise. On entend la Variation pathétique au piano. Il y a des lettres oubliées sur une table. Le vent qui les dérange. Rien d’autre que les rideaux, les souffles, la musique. Rien d’autre qu’une valse en eaux troubles où masculin et féminin s’interrogent mutuellement ; où, sous la danse, à la recherche de son identité, chacun cherche son genre.
Claude-Henri Buffard Mai 2008