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L’homme à tête de chou

Une danse, violente et bourrée d’amour, douloureuse parfois, sex-symboliquement pas très correcte, et qui marche au seul carburant qui vaille : le désir ; des mots, de Gainsbourg, joueurs, virtuoses, érotisés, voire lubriques, dont chaque syllabe pénètre délicieusement oreilles et sens ; une musique originelle augmentée de clavecins, congas, guitares, trompette, violons et violoncelles, nourrie de Ravel comme de Steve Reich, des Doors comme de Debussy ; une voix, enfin, celle de Bashung, chaude, profonde, poignante, voire déchirante, si présente.

Dans la lumière d’une nuit de lune narquoise, forcément bleu pétrole, l’Homme à tête de chou ne raconte pas seulement la vie tumultueuse de la petite garce Marilou, insaisissable shampouineuse qu’un homme « aveuglé par sa beauté païenne » fera disparaître sous la mousse. Le spectacle raconte aussi une autre histoire, belle, de compagnonnages et de complicités artistiques, de Bashung

avec Gainsbourg, de Gallotta avec Bashung, qui aura résisté aux forces (à la farce) de la mort. Et sur

scène, c’est dit sans barouf. Des corps sans décor hormis le fauteuil à roulettes que l’absent Bashung

n’occupera plus. Besoin de rien d’autre. De rien d’autre que des diagonales vertigineuses, des courses frénétiques, des pas glissés, une gestuelle ample des bras, la puissance et la dextérité des mouvements d’ensemble. « C’est beau à tomber, écrit le journaliste Patrice Demailly. Danseurs sublimes, sidérants, affolants, dotés d’une énergie dévastatrice ».

En douze tableaux, les quatorze interprètes, comme on distille un parfum, rendent un hommage flamboyant et noir, tragique et enivrant à la vie. Désespérés et insolents, inconsolables et fringants, Serge Gainsbourg et Alain Bashung offrent chaque soir en cadeau, sur la scène, « leur absence en héritage ».

Claude-Henri Buffard — avril 2010